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PARSIFAL – WAGNER

Dernière mise à jour : 26 avr. 2021

Dans une mise en scène audacieuse, aux résonances actuelles de Graham Vick, Omer Meir Wellber dirige au Teatro Massimo di Palerme l’ultime opéra aux touches philosophiques et théologiques de Richard Wagner : Parsifal. L’audace est le maître mot de cette production qui n’a pas été jouée depuis 65 ans dans cette ville qui l’a vu naître. Un grand défi s’attache donc à cette représentation d’autant plus que cet opéra a envahi les scènes européennes à la fin de l’année 2019.


Sur le chemin de 3 actes, on assiste au parcours initiatique de Parsifal, jeune homme pur, prenant conscience de sa mission : sauver le Saint Graal. L’épopée médiévale a laissé la place à une mise en scène contemporaine. Alors que Wagner a effectué une réinterprétation spirituelle des écrits de Wolfram von Eschenbach et de Chrétien de Troyes dont il s’inspira, Graham Vick en a réinterprété le contexte. Ce dernier se veut guerrier, sans doute sur le front du Moyen-Orient, happé par une communauté internationale en délitement. La mise en scène se montre parabolique : la souffrance des réfugiés ne peut être résorbée que par une prise de conscience pure et prophétique, loin des diktats des revendications occidentales.



Catherine Hunold Kundry © rosellina garbo 2020



La française, Catherine Hunold, incarne à la perfection la figure énigmatique et ambivalente de Kundry qui éclipse partiellement l’héroïque Parsifal. Sa tessiture arpente avec justesse et densité les facettes multiples que revêt son personnage. Ainsi, sa puissance vocale s’incarne avec volupté dans les moments clés de ses ébauches émotionnelles. Entre séduction malfaisante et sainteté, elle est coiffée d’un tchador, parure suscitant de la méfiance aussi bien sur scène que dans les imaginaires occidentaux. Graham Vick marque la portée rédemptrice de ce vêtement en signifiant, au travers du dévoilement de la chevelure de Kundry, son affiliation tantôt au mal quand elle se dénude tantôt au bien lorsqu’elle se voile. Dans cette visée manichéenne, Graham Vick joue toutefois sur un terrain mouvant renvoyant la femme au statut archaïque de la pécheresse. Cette même idée irrigue également les filles-fleurs qui seraient de simples touristes, éloignées des réalités militaires et humanitaires que subissent les réfugiés. Leur seul corps dénudé, à la vue de Parsifal, suffirait simplement à le corrompre. On pense à la scène de l’acte II qui est visuellement découpée entre les filles-fleurs, peu vêtues et tentatrices et les femmes voilées, stoïques, entourant les planches du Teatro Massimo di Palerme.



Julian Hubbard interprète avec un grand naturel l’Innocence dévolue à Parsifal. Habillé comme un adolescent, vêtu de son sweat-shirt, le personnage paraît être loin de la guerre qui sévit au Moyen-Orient. Son jeu puéril transparaît notamment lors de la mise à mort du cygne sacré faisant place à une figure indifférente face à son acte et aux enjeux que subit le royaume d’Amfortas. Cette même attitude se retrouve toutefois de manière absurde lors de son interaction séductrice avec Kundry à l’acte II. Néanmoins, son timbre chaleureux et sensible accompagne justement les différentes étapes de son évolution existentielle jusqu’à la phase ultime de son baptême sauveur (acte III).



Tomas Tomasson, Amfortas ©Franco Lannino




John Relyea reste fidèle au personnage wagnérien de Gurnemanz. Avec simplicité, force et docilité il incarne avec précision ce personnage narratif et essentiel à la trame scénique. Il manie avec merveille et aura les tensions vocales et scéniques qui sont dévolues à son personnage. Sa voix est soutenue par l’orchestre dans une tessiture grave, faisant progresser avec habilité la dramaturgie de l’acte I. Cette cohésion voluptueuse entre la voix et l’orchestre se retrouve également avec Tómas Tómasson qui joue avec justesse Amfortas. Son timbre témoigne d’une tendresse et d’une souffrance ardente. Le parallèle que souhaite Wagner avec la Passion du Christ s’incarne de manière symbolique dans son personnage. L’analogie réalisée entre un chef de guerre et un Christ à l’agonie, portant la couronne d’épine et un simple pagne sur le chemin final de la crucifixion représente ce personnage emblématique.

Sorte de soldat déchu dont l’apparence ressemble à celle du colonel Kurtz du célèbre Apocalypse Now de Francis Ford Coppola, Thomas Gazheli (Klingsor) marque la perversion que suscite l’asservissement qu’il exerce sur autrui. L’émasculation qu’il s’inflige comme renoncement à l’amour, synonyme d’une domination immuable, est montrée avec force au début de l’acte II. De plus, son dos, tatoué d’un serpent rappelle sans nul doute le sujet pernicieux qui fit tomber Adam et Ève dans les méandres de l’Humanité.


Ainsi, le délitement de la société internationale est incarné par la voix mélodieuse et la prestance d’Alexei Tanovitski (Titurel), chef onusien affaibli. Cela dénonce les limites de la société internationale face aux problématiques que rencontre le Moyen-Orient. Cette mise en scène joue sur les stéréotypes d’un monde en désuétude avec audace et montre la contemporanéité de Parsifal. A voir !



Aurianne Stassi

 
 
 

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